When demographers play the Game of Thrones
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Tonton André ne cesse de râler : « Depuis la fin de la saison 1, on ne voit plus autant de minette... » Alors de un, t’es misogyne tonton. Et de deux est-ce vrai ? On vérifie cette allégation et on prouve bien d’autres choses grâce à nos calendriers. Quand meurt-on ? Quand se dénude-t-on ? Quand est-ce que les Stark sont à leur apogée ? On vous dit tout.

Plan de l'article
Devenir démographe grâce à GoT :
Les courbes de survie

1. Rectangularisation de la courbe de survie

2. La courbe de survie de Game of Thrones

Pour aller plus loin

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Devenir démographes grâce à GoT : l'espérance de vie

Devenir démographes grâce à GoT : Les pyramides des âges

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Devenir démographe grâce à GoT :
Les courbes de survie


Devenir démographe grâce à GoT : Les courbes de survie

Devenir démographe «  Spécialiste des enquêtes et de la statistique, le démographe analyse les impacts économiques et sociaux des phénomènes démographiques. Fécondité, mortalité, migration, répartitions géographiques... sont au cœur de ses études.  » Source : Onisep, ça nousVous souhaitez en connaître davantage sur les auteurs du site ? Lucas et Romane vous dévoilent tous les secrets ici ! à pris deux ans. Pourtant, ce n'est pas très compliqué : il suffit de maîtriser quelques outils incontournables ! C'est donc que nous avons été un peu long à la compréhension... En lisant cette série de trois articles, vous en saurez autant que nous après deux ans. À quelques choses près...

Devenir démographe et devenir des pros des enquêtes statistiques et de l’analyse de la fécondité, de la mortalité, des migration, ça nous à pris deux ans. Pourtant, ce n'est pas très compliqué : il suffit de maîtriser quelques outils incontournables ! C'est donc que nous avons été un peu long à la compréhension... En lisant cette série de trois articles, vous en saurez autant que nous après deux ans. À quelques choses près...

Mais attention : si nous commençons à chaque fois par un peu de théorie (en tâchant de ne pas être trop rasoir), notre but reste d'analyser notre série préférée ! Alors accrochez-vous : apprenez les grandes tendances historiques et démographiques pour ensuite être capables de situer Game of Thrones par rapport à ces phénomènes.

Comment la série Game of Thrones s'incrit-elle...?

1)... dans la rectangularisation des courbes de survie 2)... dans la linéarisation de l'espérance de vie 3)... dans la transition démographique
Si cela vous intéresse, vous êtes sur la bonne page ! Cliquez ici pour accéder à l'article concernant l'espérance de vie. Cliquez ici pour accéder à l'article concernant les pyramides des âges.
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1)... dans la rectangularisation des courbes de survie Si cela vous intéresse, vous êtes sur la bonne page !
2)... dans la linéarisation de l'espérance de vie Cliquez ici pour accéder à l'article concernant l'espérance de vie.
3)... dans la transition démographique Cliquez ici pour accéder à l'article concernant les pyramides des âges.

Les courbes de survie, vous connaissez maintenant ! Nous vous en avons parlé de nombreuses fois. Elles permettent d’étudier l’évolution des risques de mortalité dans le temps. Appliquées à notre série préférée, elles permettent de suivre le nombre de survivants au fil des minutes de survie (Encadré 1).

Alors oui, c’est sympa de suivre l’évolution de la mortalité en fonction du temps de survie. Mais, vous savez, les démographes sont beaucoup plus conformistes. Ils travaillent en général sur des risques de décès en fonction de l’âge. Quel manque d’originalité. Mais c’est quand même intéressant... On peut facilement identifier les âges auxquels la mort frappe : aujourd’hui essentiellement les âges avancés mais durant des siècles les premières années de vie !

Comment la mortalité par âge a-t-elle évolué en France depuis 1745 ? De quelle époque la mortalité par âge de Game of Thrones s’approche-t-elle le plus ?

Vous le savez, nous sommes toujours là pour répondre à ce genre de questions farfelues !

Encadré 1 : Les courbes de survie : quels articles et quelle documentation ?

Dans l’article « Une cohorte plus à l’abri ? », nous comparons l’évolution des risques de décès des personnages apparus pour la première fois en début de série aux personnages apparus plus tardivement. Ces premiers survivent-ils plus longtemps que les seconds ?

Nous vous proposons un article qui décrit de manière complète et simple la méthodologie des courbes de survie. Enfin... On a essayé de faire simple !

Pour les plus braves, il reste les dossiers universitaires (le dossier de « suivi de biographies » et de « cohorte ») ou encore le dictionnaire des variables (où les courbes de survie sont légions).

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Lecture : Sur 100.000 personnes nées en 1745 et devant survivre avec la mortalité de 1745 à tous les âges de leur vie, la moitié décède avant l’âge de 8 ans.

Fig. 1 : Courbe de survie française 1745

1. Rectangularisation de la courbe de survie

Quittons un temps (très court, promis !) l’univers de Game of Thrones pour dire deux mots sur l’évolution de la mortalité en France depuis 1745.

Illustration de l’évolution incroyable de la mortalité française avec des courbes de survie !

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Lecture : Sur 100.000 personnes nées en 1745 et devant survivre avec la mortalité de 1745 à tous les âges de leur vie, la moitié décède avant l’âge de 8 ans.

Fig. 1 : Courbe de survie française 1745

Cette courbe (Fig. 1) est celle donnée par la mortalité observée en 1745. Bah oui, ça aurait été trop simple de suivre 1.000 personnes nées en 1745 et de voir combien il en reste à 1 an en 1746, à 2 ans en 1748... Mais non, les démographes font ce que l’on appelle des « cohortes fictives ». On étudie la mortalité en 1745 des personnes ayant entre 0 et 1 an, entre 1 et 2 ans... Et on trace ainsi la courbe de 1745. Les quelques personnes qui restent à 80 ans ont bien 80 ans en 1745 et non en 1825. Vous avez compris la feinte ?

Que voit-on sur cette courbe de survie ? La première chose qui frappe, c’est la mortalité infantile« Nombre de décès d’enfants de moins d’un an rapporté au nombre de naissances vivantes. Il est en général calculé pour une année donnée et exprimé pour 1.000 nouveaux-nés vivants. » Source : INED
(mortalité entre 0 et 1 an)
: sur dix enfants nés en 1745, seuls sept atteignent 1 an et seule la moitié de la cohorte atteint l’âge de 8 ans. Les risques de mourir sont alors très élevés aux jeunes âges. L’historien Pierre Goubert, qui a le sens de la formule, a même dit qu’il « [fallait] deux enfants pour faire un homme » (comprendre qu’un enfant sur deux meurt avant de devenir adulte : adulte à 8 ans ? Mouais...). Comment a évolué la courbe de survie de 1745 à nos jours ? Regardez plutôt :
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Lecture : Sur 100.000 personnes nées en 1900 et devant survivre avec la mortalité de 1900 à tous les âges de leur vie, 50.000 (la moitié) décèdent avant l’âge de 55 ans.

Fig. 2 : Les courbes de survie françaises à plusieurs époques


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1740-1850 : la première chute majeure de la mortalité infantile s’explique par l’apparition de la vaccination contre la variole mais aussi grâce à l’amélioration des méthodes d’accouchement et des premiers soins donnés au nouveau-né.
1950-1980 : au cours de la seconde partie du XXème siècle, la lutte contre les maladies infectieuses permet une seconde chute de la mortalité infantile.

Fig. 3 : La chute de la mortalité infantile depuis 1740


Depuis 1745, on observe la réduction progressive et importante de la mortalité infantile (Fig. 2
et Fig. 3
). 300 enfants sur 1.000 mouraient en 1745 avant d’atteindre l’âge de 1 an, 150 enfants sur 1.000 en 1806 et enfin 3 enfants sur 1.000 en 2015 ! Quelle évolution !

La deuxième leçon à tirer de ce graphique est le recul de l’âge auquel la moitié de la cohorte décède : en 1745, la moitié de la cohorte décède avant 8 ans contre 88 ans en 2015 ! La concentration des décès a radicalement changé : en 1745, 60% des décès avaient lieu avant l’âge des 20 ans tandis qu’en 2015, 75% des décès ont lieu après 80 ans. Cette évolution se traduit visuellement par une « rectangularisationMeslé, F. et Vallin, J. (2002) «  Monté de l’espérance de vie et concentration des âges au décès  ». In : Document de Travail INED.N°10. [En ligne] : https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19432/108.fr.pdf [Consulté le 18/04/2018] » des courbes de survie (Fig. 2) : quasiment tout le monde est présent jusqu’à 75 ans, puis c’est la Bérézina !

Cette rectangularisation est le fait de la transition sanitaireMeslé, F. et Vallin, J. (2000) «  Transition sanitaire : tendances et perspectives  ». In : médecine/sciences 2000. N° 11, vol. 1, pp1161-1171. [En ligne] : http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/1549/2000_11_1161.pdf?sequence=6 [Consulté le 18/04/2018].
On a d’abord réussi à éviter les morts dues aux maladies infectieuses et aux mauvaises récoltes (des décès concentrés aux jeunes âges) grâce aux vaccins, progrès agricoles...
On a ensuite limité les morts dues aux maladies cardio-vasculaires« Les maladies cardio-vasculaires (ou maladies cardiovasculaires) sont les maladies qui concernent le cœur et la circulation sanguine » Source : Wikipedia (années 1970-1980) et concentrées autour de 60 ans.
Sera t’on capable dans les années à venir de réduire la mortalité due aux cancers ?...

2. La courbe de survie de Game of Thrones

Mais revenons à nos moutons (ou plutôt à nos personnagesOn rappelle que les personnages de notre champ sont les personnages nommés. Pour en savoir plus, cliquez ici !
nommés dans les scenario
de Game of Thrones). La mortalité est omniprésente dans Game of Thrones (voir notamment l’article « Un monde violent »). De quelle époque s’approche le plus sa mortalité extrême ? Une petite idée ? Une mortalité qui serait celle du « Moyen-ÂgeAttention, ne nous énervez pas Lucas. On dit époque médiavale et non Moyen-Âge. Pourquoi ? Et bien parce que le vocable de Moyen-Âge a été créé par des personnes qui dénigrent cette époque ! Il la pense comme un « âge moyen » séparant l'antiquité et la renaissance. Entre les deux, un âge puant, barbare et violent (on caricature à peine leur pensée). » arriéré vous dit votre instinct ? Vérifions-le !
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Fig. 3 : La courbe de survie de Game of Thrones dans le processus de rectangularisation

Fig. 4 : La courbe de survie de Game of Thrones dans le processus de rectangularisation


La courbe de Game of Thrones semble pouvoir s’inscrire dans le processus de «  rectangularisation  » et se place ainsi avant 1745 (
Fig. 3
Fig. 4
). Sa mortalité infantile est extrême : un nouveau-né sur deux meurt avant d'atteindre un an ! Toutefois, rappelons que seuls deux bambins sont nommés dans Game of Thrones (BarraPhoto du personnage
proba décès :
22%
et SamPhoto du personnage
proba décès :
19%
). Bah c’est vrai quoi... On n’aurait pas pu faire d’histoire avec uniquement des chiourmes ! Pas de quoi commenter d’avantage la mortalité à cet âge.

À partir de 10-15 ans, la courbe de survie de Game of Thrones prend un aspect tout à fait singulier : sa pente est impressionnante (ce qui signifie que les personnages y décèdent en masse). Cette pente semble s’approcher de celles observées à partir de 50 ans en 1950 ou à partir de 70 ans en 2015. Nous vous l’avions dit : Game of Thrones est une série impitoyable ! Ainsi, la mortalité de 15 à 45 ans est bien plus importante dans Game of Thrones qu’elle ne l’était en France en 1745. Sur dix individus ayant survécu jusqu’à 15 ans, trois décèdent avant l’âge de leur 40 ans avec la mortalité observée en 1745 contre sept avec la mortalité observée dans Game of Thrones !

De manière singulière, l’extinction (qui est rapide entre 15 et 45 ans) se ralentit après 45 ans ! C’est bien parce que les décès dans Game of Thrones sont liés à la guerre. Ceux qui la font sont dans la force de l’âge et périssent au combat.

En excluant la mortalité des 0 à 10 ans (qui est représentée par peu de personnages), il est possible de trouver une courbe de survie qui s’approche encore plus de celle de Game of Thrones. Une époque où les décès surviennent à la force de l’âge alors que les individus avaient dépassé les dangers des jeunes âges et étaient encore à l’abri des maladies des âges élevés.

Une période de guerre donc ? Au hasard Balthazar, traçons (on le fait pour vous) la courbe de survie d’une cohorte fictive constituée d’hommes uniquement qui vivraient avec la mortalité de 1914 à partir de leurs 10 ans (
Fig. 4
Fig. 5
). 1914 : année de naissance de Louis de FunèsPhoto du personnage, Marguerite DurasPhoto du personnage et Pierre BalmainPhoto du personnage. Accessoirement, c’est aussi une année de guerre !

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Lecture : Ici les courbes de survie commencent à l’âge de 10 ans. Elles représentent la survie de 100.000 personnes qui ont déjà survécu jusqu’à l’âge de 10 ans. Pour la suite de leur vie, on leur applique à chaque âge la mortalité de l’époque (ou univers pour Game of Thrones) considérée.

Fig. 4 : Game of Thrones plus sanglant que la première guerre mondiale

Fig. 5 : Game of Thrones plus sanglant que la première guerre mondiale


La mortalité de Game of Thrones semble donc être celle de l’Ancien Régime pour ce qui est de la mortalité infantile et juvénileMortalité entre 1 et 5 ans.
(mortalité entre 1 et 5 ans)
et celle d’une période de guerre pour les âges suivants. Pour autant, la mortalité liée au combat semble s’étendre jusqu’à des âges avancés. Les seigneurs de guerre de la série ont en effet souvent plus de 40 ans ce qui n’est pas le cas des soldats de 1914.

Alors, heureux ? En tout cas, instruits !

Pour aller plus loin

Balyo, Y. (1975). « La mortalité en France de 1740 à 1829 ». In : Population, 30-1 pp. 123-142. [En ligne] : https://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1975_hos_30_1_15697 [Consulté le 20/05/2018]

Meslé, F. et Vallin, J. (2001). « Tables de mortalité françaises pour les XIXe et XXe siècles et projections pour le XXIe siècle ». In : Données statistiques INED. [En ligne] : https://www.ined.fr/Xtradocs/cdrom_vallin_mesle/texte.pdf [Consulté le 18/04/2018]

Le site de l'INSEE : https://www.insee.fr/fr/accueil