Plan de l'article
GoT : série féministe ou misogyne ?
1. La forte visibilité des personnages féminins principaux
2. Fantaisie médiévale et séparation des rôles
5. Une espérance de vie plus grande pour les personnages féminins
GoT : série féministe ou misogyne ?
Les scénaristes cherchent à plaire ou à bousculer. Les séries disent donc quelque chose de la société. 1) Que l’on aime perdre notre temps devant un écran. 2) Que les femmes subissent souvent un sexisme que l'on pouvait croire aboli [1]Bonhomme, M. (2010) « La sexualité de l’homme : entre la madone et la putain ». In : Sexualité humaine, n°6. Qu’en dit Game of Thrones ? L'ambivalence est importante (Fig. 1 et 2).
D’après ses détracteurs (il y en a ?), la série serait faite par et pour des hommes. Elle minimiserait la gravité des violences faites aux femmes et banaliserait le viol. Bon, force est de constater que Daenerys Targaryen proba décès : 17%, Sansa Stark proba décès : 12% et Cersei Lannister proba décès : 11% (les trois personnages féminins qui apparaissent le plus à l’écran) sont toutes trois victimes de viol conjugal. Pas finaud le message. La parole est à la défense... |
Selon ses défenseurs, la série oserait montrer des personnages féminins forts et émancipés. Et ce alors même que la fantaisie médiévale ne s’y prête pas ! Daenerys à l'époque médiévaleOn dit époque médiévale et non Moyen-Âge. En effet, le vocable « Moyen-Âge » a été inventé par des humanistes qui dénigraient cette période. Le « Moyen-Âge » est alors compris comme un âge moyen, violent, brutal et puant qui sépare l'antiquité idéalisée de la Renaissance. ? Difficile à imaginer... Arya Stark proba décès : 5% brise les codes en apprenant à combattre malgré son rang. Brienne proba décès : 0% est le seul personnage à être à la fois loyal, droit, fort et féminin. Pourquoi Tormund Giantsbane proba décès : 22% tomberait-il sous son charme sinon ? |
D’après ses détracteurs (il y en a ?), la série serait faite par et pour des hommes. Elle minimiserait la gravité des violences faites aux femmes et banaliserait le viol. Bon, force est de constater que Daenerys Targaryen
proba décès :
17%, Sansa Stark
proba décès :
12% et Cersei Lannister
proba décès :
11% (les trois personnages féminins qui apparaissent le plus à l’écran) sont toutes trois victimes de viol conjugal. Pas finaud le message. La parole est à la défense...
Selon ses défenseurs, la série oserait montrer des personnages féminins forts et émancipés. Et ce alors même que la fantaisie médiévale ne s’y prête pas ! Daenerys à l'époque médiévaleOn dit époque médiévale et non Moyen-Âge. En effet, le vocable « Moyen-Âge » a été inventé par des humanistes qui dénigraient cette période. Le « Moyen-Âge » est alors compris comme un âge moyen, violent, brutal et puant qui sépare l'antiquité idéalisée de la Renaissance. ? Difficile à imaginer... Arya Stark
proba décès :
5% brise les codes en apprenant à combattre malgré son rang. Brienne
proba décès :
0% est le seul personnage à être à la fois loyal, droit, fort et féminin. Pourquoi Tormund Giantsbane
proba décès :
22% tomberait-il sous son charme sinon ?
Sur les 10 personnages les plus visibles à l'écran, 4 sont des personnages féminins, on peut donc parler d'une quasi-parité ! Si on se restreint aux six personnages les plus importants, on dénombre même plus de personnages féminins que masculins (Fig. 3) ! D'autant que les personnages féminins apparaissent en moyenne plus longtemps et sont aussi plus populaires que leurs homologues masculins. De plus, certains personnages féminins connaissent une ascension sociale fulgurante. C'est notamment le cas pour Daenerys. La cadette bizutée des Targaryens se retrouve à la tête d'une armée avec les Stark pour vassaux. Cette ascension sociale est d'autant plus impressionnante qu'elle se fait dans une société patriarcale. Certaines des protagonistes luttent donc pour leur émancipation. Mais suffit-il d'étudier les femmes présentes au Conseil des Ministres pour dire que la France est un pays féministe ?
Les scénaristes mettent en scène un « Moyen-Âge » fantasmé et mal connu. L’univers de Game of Thrones apparaît ainsi comme masculin (il y a trois fois plus de personnages masculins !).
À l'époque médiévale, « il n’est pas approprié pour une femme d’aller au combat ou de gouverner » [2]J. de Cessoles, Jeu des échecs moralisés, XIVème siècle. Dans la série, seuls 17% des personnages féminins combattent (contre 77% des personnages masculins). Un personnage féminin sur quatre exerce un rôle politique (contre un sur trois pour les personnages masculins).
De plus, lorsqu’elles accèdent à un rôle politique, celui-ci est limité. 28% des « femmes politiques » de la série le sont grâce au mariage (dans la saison 1 Cersei est reine consort). Ce n’est le cas pour aucun personnage masculin.
Les personnages féminins occupent aussi un rang social moins élevé (Fig. 4). On peut parler d’objetisation « Fait d’objetiser, de traiter comme un objet ». C’est notament le cas des femmes dans la publicité : cliquez pour en savoir plus. car un personnage féminin sur quatre est assujetti (paysannes, servantes, prostituées travaillant pour ou détenues par un tenancier, esclaves). Ce n’est le cas que pour 2% des personnages masculins.
On retrouve cette objetisation dans le rapport au corps. 26% des actrices apparaissent nues au moins une fois (11% seulement des acteurs, mais les fesses de Jon Snow
proba décès :
22% compensent, non ?).
Les femmes sont aussi les victimes quasi-exclusives des violences sexuelles (bon... il y a aussi Théon Greyjoy
proba décès :
18%). Le récit du viol de Cersei par le Roi Robert
proba décès :
99% défait le mythe du libérateur de Westeros. Le viol de Jaime Lannister
proba décès :
1% sur sa sœur, dans un lieu de culte et sur le cadavre de leur fils met à bas toute morale. Le viol de Daenerys lors de sa nuit de noce révèle la trahison de son frère qui l’a vendue à un barbare (Drogo
proba décès :
98% tentera par la suite de se racheter une conduite). Le viol de Sansa par Ramsay Bolton
proba décès :
96% est un acte de guerre envers les Stark.
De nombreux fans défendent la série sur la question du sexisme. L’argument le plus récurrent est que l'intrigue se développe dans un univers fantaisie médiévale. On retrouverait ainsi à l’écran la réalité du « Moyen-Âge » . Or, on voit des dragons et des Marcheurs Blancs sans que cela ne choque personne. Par contre quand on dit que les personnages féminins pourraient avoir des rôles similaires à ceux des hommes, on nous répond que le scénario doit se tenir à ce qu’il se passait à cette époque...
Mais l’objetisation protège-t-elle de la mort ?
C’est ce que l’on pourrait croire. 38% des personnages féminins décèdent au cours de la série contre 56% des personnages masculins. Mais attention... Les personnages féminins et masculins diffèrent en de nombreux points. Cela pose problème pour mesurer les risques de mourir. Il est nécessaire de déterminer si les personnages féminins meurent moins parce qu’ils sont féminins (effet propre du sexe sur la mortalité) ou si c’est leurs caractéristiques particulières qui les protègent (effet de composition : par exemple, si les prostitué.e.s meurent moins, et que les personnages féminins se prostituent plus, alors les personnages féminins sont protégés par cet effet de composition). Pour neutraliser les effets de composition, nous recourons aux régressions (Fig. 5).
Modèle 1 : Un premier modèle confirme qu’à âge, épisode d’apparition et impopularité égaux, les personnages féminins ont une probabilité plus faible de mourir (avec un risque faible de nous tromper : 1,5%) : par rapport aux personnages masculins, les personnages féminins ont deux fois moins de risque de décéder.
Modèle 2 : Nous savons par ailleurs que les personnages féminins sont plus fréquemment des prostituées. Or, ce statut protège de la mort (10% des prostitué.e.s décèdent. La mort de Ros marque mais c’est une exception). Nous ajoutons donc la caractéristique de prostitution au modèle. Nous faisons ainsi comme si les personnages masculins et féminins se prostituaient autant. Le risque à prendre pour affirmer que les personnages féminins meurent moins augmente (de 1,5% à 10,5%). En outre, le fait de se prostituer protège significativement plus que le fait d’être un personnage féminin.
Modèle 3 : Mais nous savons aussi que les personnages masculins combattent beaucoup plus. Or, les combattant.e.s sont plus exposé.e.s à la mort (70% d’entre eux décèdent). Nous ajoutons donc la caractéristique de combat au modèle. Nous faisons ainsi non seulement comme si les personnages masculins et féminins se prostituaient autant mais aussi comme s’ils combattaient autant. Dès lors, nous ne pouvons plus dire qu’il y a une différence de mortalité entre personnages masculins et féminins.
Pour conclure, si les personnages féminins et masculins se prostituaient et combattaient autant, ils mourraient autant les uns que les autres. Que les féministes se rassurent donc : il y a égalité entre hommes et femmes dans Game of Thrones... face à la mort en tout cas.
À ce stade, nous savons donc que les personnages féminins décèdent moins que les personnages masculins au cours de la série (c’est-à-dire durant les 7 premières saisons). Nous savons toutefois que cette différence s’explique par le profil particulier et protecteur des personnages féminins qui combattent moins et se prostituent plus. Pour autant, nous ne savons rien sur le rythme de la mortalité.
Les personnages féminins et masculins ne décèdent pas au même rythme (Fig. 6). Les personnages masculins connaissent une mortalité extrême dès les premières minutes de leur vie : 22% d’entre eux meurent au cours de la première heure contre 9% de leurs homologues féminins. Un personnage féminin peut espérer survivre 29 heures contre 22 heures pour un personnage masculin. Cela s’explique une nouvelle fois par des effets de composition. Aussitôt apparu.e.s, aussitôt terrassé.e.s : voilà le sort d’un bon nombre de combattant.e.s. (en majorité des personnages masculins).
De plus, les scénaristes ne disposent que d’une centaine de personnages féminins. Alors autant ne pas les tuer tout de suite faute de quoi la femme serait en voie d’extinction à Westeros !
Tout n’est pas rose pour autant pour les personnages féminins qui connaissent par la suite (entre la 15ème et la 25ème heure de survie) une très forte mortalité. Ainsi, après 15 heures de survie, un personnage masculin peut espérer vivre près de 4 heures de plus qu’un personnage féminin.
Nous souhaitons finalement présenter les résultats de notre modèle « optimal ». Celui-ci explique au mieux la mortalité en ne gardant que les caractéristiques qui influent le plus sur le risque de mourir (par exemple le nombre d’apparitions, le fait de combattre ou non, le rang de noblesse). Ce modèle nous permet ensuite d’évaluer les risques de décéder des personnages lors de l'ultime saison (Fig. 7).
Ces risques sont rétrospectifs. Ils s’appuient sur les caractéristiques passées des personnages pour établir leur risque de mourir au cours des 7 premières saisons.
Ces tendances passées seront-elles respectées dans l’ultime saison ? Les scénaristes déjoueront-ils toutes les prédictions ? Nous ne savons pas pour vous, mais nous sommes pressés de répondre à cette question... En 2019 !
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