When demographers play the Game of Thrones
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Méthodologie : régression logistique

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Vous avez découvert avec la plus grande joie les régressions logistiques et les courbes de survie en nous lisant. C’est bien gentil de lire des quatre pages, mais ça ne vous suffit plus. Vous voulez savoir. Car, comme Petyr Baelish, vous pensez que le savoir c’est le pouvoir. Pour vous, cher lecteur curieux et quelque peu masochiste, nous avons rédigé un guide méthodologique. Il faudra vous accrocher à certains moments mais vous y arriverez. Nous en sommes convaincus. Prouvez au monde que vous aussi vous auriez pu être démographe. Lisez la méthodologie.

Plan de l'article
GoT : des corps « masculins et normaux » ?

1. Fantaisie médiévale et discrimination genrée

2. Nudité et violence

3. Amours interdits condamnés

4. Dénigrement de la corpulence

5. Handicap et retournement du stigmate

Pour aller plus loin

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GoT : des corps « masculins et normaux » ?

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Fig. 1 : Cersei condamnée pour inceste - ©HBO

Vous allez dire que nous commençons toujours nos articles de la même façon mais... Les scénaristes cherchent à plaire ou à bousculer. Les séries disent donc quelque chose de la société et de ses attentes. Or, les corps sont omniprésents dans Game of Thrones. Mais que nous montre-t-on vraiment ? Seule la statistique peut permettre de nous affranchir des images choquantes ou émoustillantes.

1. Fantaisie médiévale et discrimination genrée

La série met en scène un « Moyen-ÂgeAttention, ne nous énervez pas Lucas. On dit époque médiévale et non Moyen-Âge. Pourquoi ? Et bien parce que le vocable de Moyen-Âge a été créé par des personnes qui dénigrent cette époque ! Il la pense comme un « âge moyen » séparant l'antiquité et la renaissance. Entre les deux, un âge puant, barbare et violent (on caricature à peine leur pensée). » fantasmé, aucours duquel il n’était « pas approprié pour une femme d’aller au combat ou de gouverner » [SourceJ. de Cessoles, (XIVème s.) « Jeu des échecs moralisés ».]. Quoi de plus normal donc à ce que l’univers de la série qui montre combats et jeux de pouvoir soit masculin ? Les personnages masculins sont 3 fois plus nombreux ! Ils ont 5 fois plus de chance de combattre et 2 fois plus d’exercer un rôle politique. Quand on sait qu’il s’agit de facteurs de mortalité, on relativise la chance... Une « femme politique » sur quatre ne l’est que grâce au mariage (dans la saison 1, CerseiPhoto du personnage
proba décès :
11%
, Daenerys Photo du personnage
proba décès :
17%
et Catelyn StarkPhoto du personnage
proba décès :
91%
sont des « femmes de »). Ce n’est le cas d'aucun personnage masculin même si JorahPhoto du personnage
proba décès :
1%
ferait tout pour sa Dany.

Les personnages féminins sont donc moins visibles. De plus, alors que le corps masculin sert à imposer une domination, celui des personnages féminins la subit (on parle de la norme statistique hein, pas des quelques héroïnes qui sont des exceptions !).
Les personnages féminins occupent ainsi un rang social moins élevé (Fig. 2). Le corps féminin se possède dans Game of Thrones puisqu’un personnage féminin sur quatre est assujetti (servantes de seigneurs, prostituées travaillant pour ou détenues par des tenanciers, esclaves de maîtres...) contre 2% des personnages masculins. On parle d’objetisation.
Enfin, les personnages féminins subissent bien souvent des violences sexuelles.

Tableau statut occupation

Fig. 2 : Les chiffres contre les images - ©HBO

Après visionnage de la série, nous avons fait l’hypothèse que le corps et les pratiques qui l'entourent influencent la probabilité de mourir (combattre fait mourir, alors pourquoi pas d’autres pratiques ou comportements ?). Rapide présentation des constats qualitatifs et des éléments statistiques :

Photo des fesses de Jon

Fig. 3 : Fessier et spirale d’or : les raisons de la perfection - ©HBO

2. Nudité et violence : « Leave her face, I like her pretty » [1]Joffrey Barathéon demande à Meryn Trant de battre Sansa Stark

Photo des fesses de Jon

Fig. 3 : Fessier et spirale d’or : les raisons de la perfection - ©HBO

Les femmes sont aussi des objets de désir (Fig. 1). La moitié des personnages féminins ont moins de 25,5 ans contre 32,5 ans pour leurs homologues masculins. Plus jeunes, on montre aussi plus leur corps : 26% des actrices apparaissent nues au moins une fois (11% seulement des acteurs, mais la perfection des fesses de Jon SnowPhoto du personnage
proba décès :
2%
compense ... [2]Mymy, (2017) « Le bouli de Jon Snow est 100% authentique, car le monde est beau ». In : Madmoizelle.) - Fig. 3.

Les femmes sont les victimes exclusives des violences sexuelles (quasi exclusive : ThéonPhoto du personnage
proba décès :
18%
). Le récit fait par Cersei de sa nuit de noce avec RobertPhoto du personnage
proba décès :
99%
défait le mythe du libérateur de Westeros. Le viol de JaimePhoto du personnage
proba décès :
1%
sur sa sœur, dans un sanctuaire et sur le cadavre de leur fils (et neveu) met à bas toute morale. Le viol de Daenerys lors de sa nuit de noce révèle la trahison de son frère qui l’a vendue (DrogoPhoto du personnage
proba décès :
98%
tentera ensuite de se racheter une conduite). Le viol de Sansa StarkPhoto du personnage
proba décès :
12%
par RamsayPhoto du personnage
proba décès :
96%
est un acte de guerre envers les Stark. Il ne fait donc pas bon être une femme à Westeros.

Photo Joffrey

Fig. 4 : Avouez-le, vous avez pris votre pied quand le sadique JoffreyPhoto du personnage
proba décès :
90%
mourrait ! - ©HBO

3. Amours interdits condamnés : « He marries his daughters, and they give him more daughters » [3]Eddison Tollett à propos de Craster (épisode 203).

Photo Joffrey

Fig. 4 : Avouez-le, vous avez pris votre pied quand le sadique JoffreyPhoto du personnage
proba décès :
90%
mourrait ! - ©HBO

Les personnages ayant des pratiques sexuelles considérées dans la série comme déviantes (attention : ce n’est pas nous qui les qualifions de déviantes ! Même si on les déteste c’est normatif et pas très constructif) semblent avoir une espérance de vie réduite. Certes, ces pratiques sont sévèrement réprimées (Fig. 4) mais peut-être qu’une morale serait contre toute attente à l’œuvre ? De fait, par rapport à un personnage à la sexualité considérée comme « normale », un personnage ayant des pratiques considérées comme déviantes a 3 fois plus de risque de décéder (Fig. 7). Notons aussi que les personnages ayant une déviance sexuelle sont 4 fois plus impopulaires (cliquez ici pour voir les liens entre les variables).

Photo Robert

Fig. 5 : Tous aux abri, Robert Ier s’énerve ! - ©HBO

4. Dénigrement de la corpulence : « You should eat the fat one » [4]Craster désignant Samwell Tarly en s’adressant aux membres de la Garde de Nuit (épisode 302).

Photo Robert

Fig. 5 : Tous aux abri, Robert Ier s’énerve ! - ©HBO

La série Game of Thrones discriminerait-elle les personnages corpulents ? Une chose est certaine, nous n’aimerions pas avoir le courage de Samwell Tarly (avant que son rôle évolue), la vivacité intellectuelle de Mace TyrellPhoto du personnage
proba décès :
92%
, l’intégrité de Xaro Xhoan DaxosPhoto du personnage
proba décès :
93%
ou les mœurs de RastPhoto du personnage
proba décès :
97%
… Robert Barathéon qui est pourtant supposé être le valeureux combattant qui a libéré Westeros de la tyrannie du Roi fou est présenté comme un ivrogne impotent et colérique (Fig. 5). Avec un risque de 7%, nous pouvons affirmer qu’un personnage à la corpulence supérieure à la moyenne meurt plus qu’un personnage à la corpulence moyenne. Il aurait même 2 fois plus de risque de décéder qu'un personnage à la corpulence normale.

Photo Dany et Tyrion

Fig. 6 : Même à côté de Dany il est petit - ©HBO

5. Handicap et retournement du stigmate : « Wear it like armor » [5]Tyrion conseille Jon Snow (épisode 101).

Photo Dany et Tyrion

Fig. 6 : Même à côté de Dany il est petit - ©HBO

La série est pleine de personnages portant des handicaps visibles (Fig. 6). Ces personnages qui s’éloignent de l’ « Andale normal » s’exposent largement à la stigmatisation. Le portrait semble noir mais le stigmate, trace visible du handicap, peut aussi être une force ! Comme la canne du vieillard qui peut frapper le garnement qui ricane. La marque du handicap ne condamne pas les individus à subir leur condition mais rend possible l’émancipation. Si l’on accepte un risque de 6%, nous pouvons dire qu’un personnage handicapé (hors bâtard) a moins de risque de décéder : il aurait même 3 fois moins de risque de mourir qu’un personnage non-handicapé.

Modèle de régression corps

Lecture : Toutes choses égales par ailleurs (structure guerrière, pratiques sexuelles, nudité, corpulence), un personnage handicapé (hors bâtard) meurt moins qu’un personnage n’ayant pas de handicap. Le risque à prendre pour affirmer cela est inférieur à 10% (°) ! Par rapport à un personnage non-handicapé, un personnage handicapé (hors bâtard) a quatre fois moins de risque de décéder.
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Fig. 7 : Le corps face à la mort

Nous avons donc montré qu’en matière de corps, Game of Thrones voue un culte à la masculinité et à la supposée normalité (pourquoi supposée ? des corps glabres et maigres, vous trouvez ça normal ?). Les personnages féminins sont régulièrement assujettis et n’accèdent pas aux plus hautes fonctions (oui, on sait : Cersei et Daenerys bla-bla-bla... Mais elles ne représentent que 2% des personnages féminins !). Ceux qui s’écartent de la supposée norme s’exposent à une mort plus rapide et plus fréquente (avis aux corpulents et supposés déviants). Mais gare au retournement du stigmate ! Daenerys Targaryen et Cersei Lannister arriveront-elles à changer les règles d’un monde fait par et pour les hommes ?

Pour aller plus loin

Alanito (2013). « Thin Privilege is not thinking every fat “Game of Thrones character is horrible ». In : Imgur

Culte de l’anti-héros : Borde, A. (2013). « "Game of Thrones" : pourquoi un tel succès ? ». In : Le Point. [En ligne] : http://www.lepoint.fr/culture/game-of-thrones-pourquoi-un-tel-succes-20-08-2013-1715593_3.php, [Consulté le 6 avril 2018]

Moïsi, D. (2017). « Ce que les séries nous enseignent sur la marche du monde ». In : Les Echos. [En ligne] : https://www.lesechos.fr/17/02/2016/lesechos.fr/021702711591_ce-que-les-series-nous-enseignent-sur-la-marche-du-monde.htm [Consulté le 14 avril 2018]

Sérisier, P. (2015). « “Game of Thrones” : La justice au cœur de la série ». In : Le Monde. [En ligne] : http://seriestv.blog.lemonde.fr/2015/04/13/game-of-thrones-la-justice-au-cœur-de-la-saga/, [Consulté le 14 avril 2018]

(2016) « Les séries télévisées reflètent une évolution de la réalité ». In : Europe 1. [En ligne] : http://www.europe1.fr/societe/les-series-televisees-refletent-une-evolution-de-la-realite-2727040 [Consulté le 12 avril 2018]

« Game of Thrones : stigmate, émancipation, la leçon sociologique de Tyrion Lannister – Blabla #11 ». In : Osons causer.. [En ligne] : http://osonscauser.com/game-of-thrones-stigmate-emancipation-la-lecon-sociologique-de-tyrion-lannister/[Consulté le 18 octobre]

Bibliographie commune avec l'article « GoT : série féministe ou misogyne ? »

Beaufort, R. et Melissent, L. (2018). « Calendrier de la nudité ». In : When demographers play the Game of Thrones. [En ligne] : https://www.demographie-got.com/cal_nudite.html [Consulté le 18 novembre 2018]

Beaufort, R. et Melissent, L. (2018). « Des caractéristiques liées entre elles. 2. D’importantes différences entre les personnages féminins et masculins ». In : When demographers play the Game of Thrones. [En ligne] : https://www.demographie-got.com/liens_entre_var.html#titre2 [Consulté le 18 novembre 2018]

Beaufort, R. et Melissent, L. (2018). « Des caractéristiques liées entre elles. Des personnages féminins sensuels et des personnages masculins virils ». In : When demographers play the Game of Thrones. [En ligne] : https://www.demographie-got.com/liens_entre_var.html#sensuel [Consulté le 18 novembre 2018]

Beaufort, R. et Melissent, L. (2018). « Devenir un démographe grâce à GoT : les pyramides ». In : When demographers play the Game of Thrones. [En ligne] : https://www.demographie-got.com/demo_pyramides.html [Consulté le 18 novembre 2018]

Beaufort, R. et Melissent, L. (2018). « Dossier de suivi de biographies ». In : When demographers play the Game of Thrones. [En ligne] : https://www.demographie-got.com/pdf_site/dossiers/dossier_biographie.pdf [Consulté le 18 novembre 2018]

Brossat, T. et Delavier, L. (2014). « “Game of Thrones” : violence, sexe et Moyen-Âge ». In : Esprit, n°8, p. 240. [En ligne] : https://www.cairn-int.info/article-E_ESPRI_1408_0217--game-of-thrones-violence-and-sex-in.htm, [Consulté le 6 avril 2018]

Cesbron, M. (2016). « Pourquoi Game of Thrones est un cas clinique  ». In : Le Point Pop. [En ligne] : http://www.lepoint.fr/pop-culture/series/pourquoi-game-of-thrones-est-un-cas-clinique-17-05-2016-2039830_2957.php [Consulté le 6 avril 2018]

Crastor, H. (2014). « “Game of Thrones”. La périlleuse condition féminine à Westeros ». In : Courrier International. [En ligne] : https://www.courrierinternational.com/article/2014/04/04/la-perilleuse-condition-feminine-a-westeros [Consulté le 6 avril 2018]

Delporte, C. (2017). « ”Game of Thrones” : pourquoi ça fonctionne encore ? ». In : Les Echoc. [En ligne] : https://www.lesechos.fr/13/07/2017/LesEchosWeekEnd/00085-013-ECWE_-game-of-thrones---pourquoi-ca-fonctionne-encore.htm [Consulté le 6 avril 2018]

Jones, R. (2012). « À Game of Genders : Comparing Depictions of Empowered Women between À “Game of Thrones” Novel and Television Series ». In : Journal of Student Research, Volume 1, Issue 3 : pp. 14-21

Langlais, P. (2017). « “Game of Thrones”, le succès en dix leçons ». In : Télérama. [En ligne] : http://www.telerama.fr/series-tv/game-of-thrones-le-succes-en-dix-lecons,160044.php [Consulté le 6 avril 2018]

Lyon, C. (2015). « Game of Thrones. Pour en finir avec la femme objet ». In Courrier International. [En ligne] : https://www.courrierinternational.com/article/game-thrones-pour-en-finir-avec-la-femme-objet [Consulté le 20 mars 2018]